Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

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jeanba
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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#26

Message par jeanba »

C'est surtout le ratio de pertes entre français et allemands en septembre octobre qui m"à interpellé

larsenjp
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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#27

Message par larsenjp »

jeanba a écrit :C'est surtout le ratio de pertes entre français et allemands en septembre octobre qui m"à interpellé
Le déséquilibre est en effet très important, surtout en incluant les pertes US: cela fait 160 contre 44 en septembre soit quasiment du 4:1 puis 123 contre 66 en octobre soit presque 2:1 et finalement 35 contre 9 en novembre soit encore du 4:1. Les autres mois sont pratiquement à parité à l'exception d'avril où le rapport est pratiquement de 2:1 mais en faveur des Français cette fois.

C'est également irrégulier côté front anglais avec toutefois des pertes britanniques toujours supérieures aux pertes allemandes. Le mois de novembre 1918 est particulièrement impressionnant avec 68 pertes britanniques contre seulement 6 pertes allemandes soit un rapport de 11:1! Comment la RAF fait-elle pour perdre 68 pilotes en 11 jours? o_O

Si on additionne les deux fronts, sur les 11 jours de novembre 18, cela fait 103 pertes alliées contre 15 pertes allemandes c'est à dire du 7:1.

Ce serait intéressant de creuser un peu pour connaitre l'origine de ces importantes pertes alliées comparées aux pertes allemandes sur les derniers mois de la guerre.

larsenjp
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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#28

Message par larsenjp »

larsenjp a écrit :Le mois de novembre 1918 est particulièrement impressionnant avec 68 pertes britanniques contre seulement 6 pertes allemandes soit un rapport de 11:1! Comment la RAF fait-elle pour perdre 68 pilotes en 11 jours? o_O
Ceci dit, cela reste un rythme inférieur à celui de septembre: 328 pilotes perdus sur 30 jours cela fait environ 120 sur 11 jours.
Finalement novembre 18 n'est pas si catastrophique que ça. :hum:

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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#29

Message par warbird2000 »

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Pollux
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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#30

Message par Pollux »

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David M
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Le Fokker D.VII F

#31

Message par David M »

Il y a un oiseau sur lequel j'aimerais vous dire deux mots, c'est le Fokker D.VII F, équipé du moteur BMW D.IIIa de 185 ch, dont la puissance réelle est de 210 à 230 ch.

C'est le fameux "Fokker à moteur surcompressé" que réclame Von Richthofen dans une des dernières lettres écrites peu avant sa mort. Ce sera le meilleur appareil qu'auront les Allemands à leur disposition en 1918. Ses performances, à ce qu'on en sait sur des chiffres publiés après la guerre, sont les suivantes :

- Vitesse 200 km/h au niveau du sol.
- Vitesse ascensionnelle : 2000 m en 6mn, 3000 m en 9 mn, 4000 m en 12 mn et 5000 m en 16 mn.

C'est un peu zarbi cette vitesse ascensionnelle linéaire mais c'est tout ce qu'on a, et cela ne correspond pas à des essais en vol réalisés par des services techniques alliés qui n'ont pas eu de D VII F sous la main à tester.

Néanmoins, cela laisse voir que la vitesse ascensionnelle reste légèrement inférieure au SPAD XIII, qu'elle dépasse à haute altitude. Quant à la vitesse, j'ai extrapolé une courbe de 10 km/h supérieure à celle du D VII équipée du Mercédès D.III. Cela reste plus lent que les SPAD et SE5a. Voir sur les tableaux ci-dessous.

La question est surtout de savoir combien pouvait-il en avoir. Le Frontbestand n'en donne pas la réponse, car les statistiques des Fokker D.VII ne différencient pas les versions à moteur Mercédès et BMW.

Quoi qu'il en soit, la réponse devrait être : pas beaucoup. Sur les relevés fait par un de mes amis historiens allemands, en octobre 1918 le Fokker D.VII équipe 85 des 87 unités de chasses allemandes (81 Jastas + 6 Jastas marins), les 2 autres ayant des Pfalz D.XII (du moins, en partie). L'effort industriel est donc fait pour remplacer les Albatros D.V. Mais le Fokker D.VII F n'entre en compte dans la composition que dans 7 Jastas, soit au grand maximum 8 % de l'effectif (Jastas 2, 4, 6, 12, 13, 19 et 26) - car il reste encore des D.VII à moteur Mercédès dans l'effectif de ces unités.

En résumé, avec le Fokker D.VII F, les Allemands avaient un appareil qui montait aussi vite que le SPAD, voire mieux, mais plus lent. De toute façon, ils n'en n'avaient pas en nombre significatif, l'appareil étant donné à leurs meilleurs as comme Ernst Udet (Jasta 4) qui loue les qualités du sein dans ses écrits.

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actionjoe
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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#32

Message par actionjoe »

La question est surtout de savoir combien pouvait-il en avoir. Le Frontbestand n'en donne pas la réponse, car les statistiques des Fokker D.VII ne différencient pas les versions à moteur Mercédès et BMW.
Il faudrait creuser les sources, mais un intervenant sur the aerodrome donne 750 "F" sur 3300 DVII produits, soit environ 22%. Si on imagine le même ratio sur les avions présents au front (mais je suis pas certain que ce soit très pertinent comme logique : il vaudrait mieux connaitre, mois par mois, le rapport de DVII F/DVII. Au vu des qualités de l'appareil, on pourrait supposer qu'il s'approche de 1 au plus on avance vers la fin de la guerre), ça donnerait 150 'F' sur 828 DVII, soit une quinzaine de Jasta à 12 appareils.
http://www.theaerodrome.com/forum/showt ... hp?t=48951


D'ailleurs à ce propos quid du "il était tellement bon qu'il a été expressément mentionné dans le traité de Versailles"? J'avais lu un truc comme quoi, c'était plus une manœuvre des Alliés qui leur aurait d'évincer un concurrent* et permis d'écouler leurs stocks d'avions chez les nouveaux pays de l'Est.
(*Fokker a quand même réussi à continuer à en fabriquer au Pays-Bas, après la guerre)
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David M
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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#33

Message par David M »

Correction : 8 Jasta, j'avais oublié la Jasta 10. Dans le détail, on a :

Juin : Jasta 4 et 11
Juillet : Jasta 4, 10, 11, 12
Août : Jasta 4, 10, 11, 12, 26
Septembre : Jasta 4, 6, 10, 11 (Soit la JG I au complet), 12, 26
Octobre : Jasta 4, 6, 10, 11 (JG I), 12, 13, 19 (JG II), 26 (JG III)

Ca fait 9 % des unités, clairement celles de l'élite (les Jasta regroupés en Jagdgeschwader). Même si la production avancée des Fokker D.VII F présentée représenterait 23 % de la production finale, il y a toujours un décalage entre la production et la livraison aux unités...

De toute façon, trop peu, trop tard (air connu). Primo, avec le D.VII F, les Allemands n'ont pas un appareil qui leur donne un avantage technologique sur le SPAD, et d'autre part quand il leur est livré en nombre conséquent, c'est déjà trop tard. En septembre, c'est déjà plié avec les offensives combinées de Champagne et les attaques britanniques qui ont lieu de concert. L'aviation allemande ne peut être partout et se bat à 1 contre 4 !

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actionjoe
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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#34

Message par actionjoe »

En septembre, c'est déjà plié avec les offensives combinées de Champagne et les attaques britanniques qui ont lieu de concert. L'aviation allemande ne peut être partout et se bat à 1 contre 4 !
C'est certain, en revanche, à 1 contre 4, le différentiel de pertes interroge. La tactique peut-être? Des pilotes trop "bleus" dans certaines escadrilles? J'ai dans la tête l'exemple* de la SPA 82 contre la Jasta 40 qui perd 3 tués (en une seule patrouille!) et 2 prisonniers (dans une même patrouille) en 15 jours.
(* qui est pas forcément représentatif de l'ensemble des escadrilles)
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David M
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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#35

Message par David M »

D'une part il y a toujours un avantage à mener une guerre défensive, mais d'autre part il y a beaucoup de bleus dans les nouvelles escadrilles françaises avec une perte certaine de la motivation de ces nouveaux pilotes.

Je vous livre le témoignage du Lt Rougevin-Baville, chef de la SPA 99 et lui-même pilote du début de la guerre, qui l'explique :

" Au début de la guerre, c’était des types qui avaient envie d’aviation. Cela ne s’est pas passé comme ça en 1918 où l’on a ouvert plein d’écoles et où se sont réfugiés tout un tas de types qui n’avaient pas envie de se faire trouer la peau dans les tranchées. C’était des gars dont on peut dire qu’ils n’étaient pas gonflés, qui trainaient d’école en école jusqu’au jour où on les expédiait au front. Un beau jour, je faisais alors figure de vieux pilote avec 1 an et demi d’instruction, je me suis retrouvé à la tête d’une escadrille avec une majorité de types qui ne voulaient pas me suivre. A ce moment là, le chef de patrouille battait des ailes pour dire « serrez sur moi, on va attaquer ». Eux, au lieu d’attaquer, ils se mettaient plus haut pour prendre de la hauteur, ou comme nous disions prendre un fauteuil de balcon. C’était complètement idiot parce que les Allemands, eux, étaient déjà disciplinés et volaient en étages superposés. Tous les isolés étaient invariablement nettoyés. J’ai eu des pertes et beaucoup de chagrin de voir mes pilotes disparaître, irresponsables et trouillards. L’esprit était différent du début où c’était des gars qui en voulaient."

C'est très probablement à cause de cela que meurt le grand as Coiffard à moins de deux semaines de l'armistice. Il est à la tête d'une patrouille de 11 SPAD. Voyant 5 Fokker, il part les attaquer. Il n'y a qu'un équipier qui le suit, une tête brûlée nommé Condemine (un as). Les autres, tous sauf un des débutants, n'ont pas bougé.

Les pertes que vous citez ne sont rien comparé aux pertes que subissent les pilotes britanniques à la même période qui se font quelquefois anéantir des Flight complets sur Sopwith Camel...

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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#36

Message par larsenjp »

Vouloir échapper aux tranchées me parait difficile à condamner, ce qui s'y passait était bien connu à cette époque et la propagande a ses limites.
Par contre, le comportement décrit par ce chef d'escadrille est plus embêtant. Il semble évoquer un problème de discipline de vol (ou de discipline tout court) mais il a l'air plutôt résigné. Quand on sait comment l'armée française a pu réagir en de telles circonstances (en clair refus d'obéissance face à l'ennemi), c'est assez étonnant. Lassitude de la hiérarchie aussi à l'approche de la fin de la guerre?
Très intéressant en tout cas. :notworthy
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David M
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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#37

Message par David M »

Il y a toujours eu une grande liberté quant à la discipline pour les aviateurs, dont les écarts ont été bien plus souvent tolérés.

Le meilleur exemple vient de l'as Charles Quette. C'était un petit parigot né en 1895 dont le père était cordonnier et la mère cartonnière. Il devient apprenti-mécanicien.

Quand éclate la guerre, il n'a pas encore effectué son service militaire car il n'a pas 20 ans. Contrairement à nombre de ses contemporains, il ne court pas s'engager, mais attend son appel qui vient le 19 décembre 1914. Il est incorporé comme soldat au 89e régiment d’infanterie de Paris et est envoyé au front, mais le jeune homme va se montrer rétif à la discipline. Manquant à plusieurs appels, il est déclaré déserteur le 31 mars 1915 mais il se présente de lui-même à son unité trois jours plus tard. Il passe alors en conseil de guerre et est condamné à 2 ans de travaux publics pour désertion à l’intérieur en temps de guerre et usage de fausse permission. Restant à son régiment, les besoins en mécaniciens dans l’aéronautique militaire font qu’il y est muté le 1er juillet 1915, et, après un passage en école, est affecté le 24 octobre 1915 à l’escadrille N 38. Bien que mécanicien, il va effectuer des vols comme mitrailleur sur les Nieuport biplace, où il va se battre avec courage ce qui lui vaudra deux citations et une réhabilitation de sa condamnation.

Mais il va replonger dans les ennuis… Après un séjour dans un hôpital bordelais en octobre 1916 pour un poignet cassé, il s’octroie une nouvelle permission dans la capitale et est déclaré déserteur le 23 décembre 1916, arrivant en retard à son escadrille. Cette fois-ci, aucune suite à l'affaire : il part le 3 janvier 1917 en stage à l’école de tir de Cazaux, puis en école de pilotage d’où il sort en étant affecté dans la chasse à l’escadrille N 62 qu’il rejoint le 11 juin 1917 avec le grade de caporal. Il y remportera 10 victoires avant de tomber en combat aérien contre des Fokker D.VII le 5 juin 1918.

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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#38

Message par larsenjp »

Comme quoi l'administration militaire peut se montrer compréhensive quand elle veut.
Ceci dit, à mon avis, refuser le combat et désobeir à son chef face à l'ennemi est autre chose que se présenter en retard à son corps, un grand classique des armées y compris en temps de paix.

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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#39

Message par larsenjp »

Je ne connaissais pas cet as. Il y en a un certain nombre qui sont passés par la mécanique avant de passer au personnel volant non?
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actionjoe
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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#40

Message par actionjoe »

Il y en a un certain nombre qui sont passés par la mécanique avant de passer au personnel volant non?
Fonck et Guynemer, déjà, non?

Et du coup, sur le "relâchement" dans certains escadrilles, peut-on dire que comparativement aux anglais et aux français, les allemands ont réussi, dans leur arme aérienne du moins, à garder une cohésion, une motivation et du coup une "qualité" supérieure aux Alliés jusqu'à la fin de la guerre?
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Deltafan
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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#41

Message par Deltafan »

David M a écrit :D'une part il y a toujours un avantage à mener une guerre défensive, mais d'autre part il y a beaucoup de bleus dans les nouvelles escadrilles françaises avec une perte certaine de la motivation de ces nouveaux pilotes.

Je vous livre le témoignage du Lt Rougevin-Baville, chef de la SPA 99 et lui-même pilote du début de la guerre, qui l'explique :

" Au début de la guerre, c’était des types qui avaient envie d’aviation. Cela ne s’est pas passé comme ça en 1918 où l’on a ouvert plein d’écoles et où se sont réfugiés tout un tas de types qui n’avaient pas envie de se faire trouer la peau dans les tranchées. C’était des gars dont on peut dire qu’ils n’étaient pas gonflés, qui trainaient d’école en école jusqu’au jour où on les expédiait au front. Un beau jour, je faisais alors figure de vieux pilote avec 1 an et demi d’instruction, je me suis retrouvé à la tête d’une escadrille avec une majorité de types qui ne voulaient pas me suivre. A ce moment là, le chef de patrouille battait des ailes pour dire « serrez sur moi, on va attaquer ». Eux, au lieu d’attaquer, ils se mettaient plus haut pour prendre de la hauteur, ou comme nous disions prendre un fauteuil de balcon. C’était complètement idiot parce que les Allemands, eux, étaient déjà disciplinés et volaient en étages superposés. Tous les isolés étaient invariablement nettoyés. J’ai eu des pertes et beaucoup de chagrin de voir mes pilotes disparaître, irresponsables et trouillards. L’esprit était différent du début où c’était des gars qui en voulaient."

C'est très probablement à cause de cela que meurt le grand as Coiffard à moins de deux semaines de l'armistice. Il est à la tête d'une patrouille de 11 SPAD. Voyant 5 Fokker, il part les attaquer. Il n'y a qu'un équipier qui le suit, une tête brûlée nommé Condemine (un as). Les autres, tous sauf un des débutants, n'ont pas bougé.

Les pertes que vous citez ne sont rien comparé aux pertes que subissent les pilotes britanniques à la même période qui se font quelquefois anéantir des Flight complets sur Sopwith Camel...

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Intéressant au plus haut point... Merci pour ces infos.

J.j.
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Re: Le Fokker D.VII F

#42

Message par J.j. »

David M a écrit :Quoi qu'il en soit, la réponse devrait être : pas beaucoup. Sur les relevés fait par un de mes amis historiens allemands, en octobre 1918 le Fokker D.VII équipe 85 des 87 unités de chasses allemandes (81 Jastas + 6 Jastas marins), les 2 autres ayant des Pfalz D.XII (du moins, en partie). L'effort industriel est donc fait pour remplacer les Albatros D.V. Mais le Fokker D.VII F n'entre en compte dans la composition que dans 7 Jastas, soit au grand maximum 8 % de l'effectif (Jastas 2, 4, 6, 12, 13, 19 et 26) - car il reste encore des D.VII à moteur Mercédès dans l'effectif de ces unités.
Attention, d'après ce que j'avais eu l'occasion de lire ici :

Si la plupart des Jastas ont des Fokker DVII en compte en octobre 1918, seules 48 soit une bonne moitié sont entièrement équipées en DVII, les autres n'étant que partiellement équipées, d'autres modèles plus anciens öu moins "cotés" complétant les "trous" (Pfalz DXII, Albatros DVa, voire Pfalz D.IIIa, ainsi qu'une poignée de Fokker DrI). Un peu à la manière de certaines escadrilles françaises conservant une dotation mixte SPAD XIII/SPAD VII jusqu'à la fin de la guerre, mais à une moindre échelle).
Enfin, pour les DVIIF, ponctuellement et au compte goutte certains étaient versés également dans les Jastas n'appartenant pas à l'élite, mais ils étaient plus donnés à un pilote spécifique (un as, bien sûr) qu'à une Jasta en particulier... (de mémoire, il me semble avoir vu des photos de DVIIF ou des comptes-rendus mentionnant son utilisation dans les Jastas 15 et 18 par exemple).
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David M
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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#43

Message par David M »

Bonsoir à tous,

Réponse groupée...

Les as : une bonne minorité sont passés par ma mécanique en effet. C'était une qualification qui vous permettait d'intégrer illico l'aviation. Fonck s'y connaissait en mécanique (quoique apprenti-serrurier), mais pas Guynemer. Les mécaniciens de métier parmi les plus grands as : Marcel Haegelen (23 victoires, son père était garagiste), Jean Chaput (16 victoires, ingénieur), Jean Casale (13 victoires, chauffeur auto), Omer Demeuldre (13 victoires), Bernard Artigau (12 victoires), Lucien Jailler (12 victoires), Jean Bouyer (12 victoires), André Chainat (11 victoires), Jacques Ortoli (11 victoires), Maxime Lenoir (11 victoires), Maurice Bizot (11 victoires), Charles Quette que j'ai déjà cité (10 victoires). Cela fait 12 pilotes sur les 53 as de 10 victoires ou plus, soit un petit quart d'entre eux. Et il y en a quantité d'autres parmi ceux ayant eu entre 9 et 5 victoires, parmi eux me viennent à l'esprit Louis Gros (8 victoires), Jean Sauvage (8 victoires), Paul Santelli (7 victoires), Louis Martin (6 victoires, mitrailleur)...

La cohésion des escadrilles allemandes à la fin de la guerre : faute de témoignages, je ne sais pas. Tout ce que je peux dire d'après les témoignages de pilotes français, c'est que les allemands se sont battus jusqu'au bout.

Le Fokker D.VII en unités : l'article que J.J. mentionnait était de Dan San Abott, un pilier du forum theaerodrome, qui nous a quittés en 2011. Un peu trop expéditif à mon goût quand il affirme que le Fokker D.VII est "sans aucun doute le meilleur chasseur de la guerre" ; je me demande s'il a vu les essais comparatifs du SPAD et du Fokker capturé par les français. Mais passons - j'en viens à la question : combien de Fokker D.VII en unités à la fin de la guerre ? Ma réponse, c'est "beaucoup".

Je me base sur le Frontbestand, l'un des rares documents que nous ont laissé les archives allemandes pour beaucoup réduites en cendres en 39-45. Tous les deux mois, l'armée allemande produisait un recensement complet de ses avions en dotation - présents dans les unités combattantes, les parcs aériens, les unités de réparation du front et les écoles près du front, mais pas les écoles en Allemagne. Voir les tableaux ci-dessous, concernant les chasseurs monoplaces principaux, excluant les prototypes et avions merdiques non envoyés en opérations. Le frontbestand s'arrête à l'état du 31 d'août 1918. Vu que le Fokker D.VII représente 1% des avions en avril, 25 % en juin, 51 % en août, on doit arriver à pas loin de 75 % en octobre avec un petit complément en Pfalz D.XII, les Albatros D ayant disparu. Une chose est sure sur le Journal de Marche du Groupe Féquant, composante de la division aérienne : en octobre, les chasseurs rencontrés sont systématiquement des Fokker D.VII. A ce qu'en dit l'étude de Dan San, en octobre la plupart des Jasta ont toutes des D.VII en dotation complète - il y en dénombre 1 073 au front, soit 30 % de plus qu'en août.

Le nombre de D.VII F dans tout ce tas reste à évaluer, je dirais entre 10 et 15 % si l'on tient compte du fait qu'effectivement des as ont pu ponctuellement se voir affecter un D.VII F même si leur unité n'en n'avait pas - en tout cas, on ne doit probablement pas arriver aux 25 % correspondant aux livraisons d'usine, qui n'ont pas pu toutes gagner le front.

Quoi qu'il en soit, en octobre cela ne fait plus le poids face aux alliés. En comparant les effectifs théoriques (qui ne sont que théoriques car nombre d'escadrilles n'ont pas leur dotation officielle), on a 87 Jastas à 12 appareils = 1044 chasseurs monoplaces. Côté français, 71 escadrilles à 18 appareils, soit 1 278 chasseurs, dont 2/3 de SPAD XIII et 1/3 de SPAD VII. Y ajouter 16 escadrilles US (pratiquement toutes sur SPAD) à 18 appareils, soit 288 chasseurs, plus l'aviation britannique forte de 43 Squadrons à 24 appareils, soit 1 032 chasseurs (un tiers sur SE5a et Dolphin). Rajoutons encore 3 escadrilles belges à 18 appareils (54 chasseurs). Total alliés : 2 652 chasseurs contre 1 044, 2.5 contre 1 !

Pire encore est le déséquilibre en chasseurs de premier choix.
- Allemagne : 150 (?) D VII F
- France : 1 278 SPAD XIII et VII
- Angleterre : 384 SE 5a et Dolphin
- US : 270 SPAD XIII
- Belgique : 18 SPAD XIII

Soit au total 1 950 chasseurs alliés équipés de l'Hispano 220 ch contre 150 D.VII à moteur BMW... C'est un peu plus compliqué car sans avoir ce moteur, des Fokker D.VII avaient un moteur intermédiaire surcompressé leur donnant de meilleures performances que ceux au Mercédès D.III sans pour autant atteindre celles du BMW.

Conclusion : "En 1918, nous les dominions. En nombre comme en qualité". Cette phrase vient d'un pilotes français dont j'ai entendu le témoignage parmi les enregistrements oraux au SHD, mais j'ai perdu son nom. En tout cas, son affirmation semble se vérifier dans les chiffres.

DM

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Arsenal53
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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#44

Message par Arsenal53 »

numéro très intéressant, surpris de découvrir l'infériorité du Camel et les pertes de certains squadron anglais

Christoph_Cony
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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#45

Message par Christoph_Cony »

Eh oui ! Cela fait un moment qu'on en discute avec David et on est parfaitement d'accord sur ce point : il y en a marre de voir écrire, sous la plume d'auteurs anglo-saxons, que le Camel était le meilleur chasseur de la guerre et que les Britanniques ont à peu près tout fait en 14-18. Le tout évidemment repris sans aucun recul par le restant de la planète sur tous les sites internet et les magazines "généralistes" qui existent... Il est temps que ça change. Au passage, l'homologation des victoires aériennes dans l'armée britannique est un pur scandale d'état, avec tricherie assumée à tous les étages de décision. Mieux que l'affaire Benalla ! J'en parlerai dans mon Hors-Série de Batailles Aériennes sur le Chemin des Dames, puisque je comparerai les revendications, les homologations et les pertes réelles des uns et des autres durant le mois d'avril 1917. Le résultat est édifiant.
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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#46

Message par ex:Kaos »

Qu'est-ce qui a réellement justifié le choix du Nieuport 28 par l'USAAS?
Attente des SPAD XIII, ok, mais pourquoi ne pas s'être rabattu sur le VII, qui devait être dispo, toujours construit, pas spécialement dépassé, toujours efficace, et qui aurait eu le mérite d'assurer une transition plus facile.

Alors?
Production des VII déjà entièrement bookée?
Marketing très efficace chez Nieuport?
Téléguidage du choix de l'USAAS par le sous-secrétariat d'état à l'aéronautique militaire?

Dans les faits, l'avion s'est comporté honorablement, mais souffrait d'une colle de mauvaise qualité utilisée pour l'entoillage (l'enduit colle Diatex n'existait point encore!), tandis que le rotatif 9N ne constituait pas une solution d'avenir.

Christoph_Cony
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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#47

Message par Christoph_Cony »

La production des Spad VII était déjà "bookée", effectivement. Et puis cela permettait à Nieuport de continuer à vivre en attendant le 29...
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David M
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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#48

Message par David M »

Ouaip ! Rappelons que la production du SPAD VII s'est poursuivie jusqu'à la fin de la guerre (il représente encore 1/3 des effectifs), et qu'il était toujours demandé par les pilotes des escadrilles - il y avait des as qui volaient sur XIII et sur VII en fonction des missions, comme c'était le cas de Martenot de Cordoux (9 victoires, SPA 94) notamment :

"Je volais lors des missions régulières sur SPAD XIII pour garder la formation, car il était plus rapide que le SPAD VII. Quand nous avions fini la mission, j'utilisais mon VII pour les patrouilles volontaires que je menais à ma propre initiative. Malgré qu’il n’ait qu’une mitrailleuse et une vitesse inférieure, il était plus manœuvrable que le XIII et, franchement, le combat tournoyant rendait la vitesse moins importante."

Pierre Cardon (5 victoires, SPA 81) également, indiquait qu'il préférait le SPAD VII par rapport au XIII mais s'en est mordu les doigts en raison de l'unique mitrailleuse :

"J’avais le choix entre le SPAD VII et le SPAD XIII et j’ai pris le VII. J’ai malheureusement suivi les conseils de mon mécanicien, le SPAD VII était beaucoup plus sûr, mais n’avait qu’une mitrailleuse. Je m’enrayais au bout de 2 cartouches en tir en vol horizontal… Je n’ai plus eu de résultats à cause de ça. En attaquant un allemand qui venait d’abattre un Drachen, je me suis mis par derrière et j’ai tiré. Mais 2 cartouches sont parties ! Je suis sûr de l’avoir touché, j’ai vu la trajectoire des balles incendiaires. Je l’ai touché au crane, mais pas mortellement. A 3 ou 4 reprises, je suis tombé sur quelqu’un qui ne se défendait plus… et enrayage ! (...) Le SPAD VII et XIII avaient des performances presque égales. Le SPAD VII perdait beaucoup à haute altitude, le XIII planait mieux. Nous faisions à peu près du 200 à l’heure. Le SPAD VII avait un 180 hp, le 13 avait un 220 avec démultiplication qui causait des problèmes et des vibrations. L’ennui est que le VII n’avait qu’une mitrailleuse. Il est apparu un SPAD Herbemont fin 1918 qui a remplacé très avantageusement le SPAD XIII, avec un moteur 300 hp avec des résultats bien meilleurs. Le matériel allemand n’avait pas la même puissance que le notre. A part le triplan Fokker qui manœuvrait beaucoup mieux que le SPAD VII et XIII mais n’avait pas leur vitesse. On pouvait le surprendre. Il ne pouvait nous échapper en piqué. Le Fokker D VII était leur meilleur appareil de chasse. "

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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#49

Message par ex:Kaos »

Ok, donc.
Un avis sur le Nieuport 28, peut être?
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David M
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Re: Batailles Aériennes n°85 - Des offensives allemandes à la victoire finale alliée

#50

Message par David M »

Je n'ai pas de documents sur la question que je n'ai pas étudiée. Juste un avis étayé par quelques faits :

- Les américains n'ont pris que ce qu'ils avaient de disponible. Ils auraient pu se battre sur Nieuport 27 (on en avait en stock qu'on a refilés aux italiens), mais Nieuport a sans doute fait du lobbying d'une part, et d'autre part le Ni 28 constituait sans doute un progrès face au Ni 27 car ses ailes étaient plus solides et il devait piquer mieux sans les laisser derrière lui.
- La société Nieuport était en perte de vitesse. Fin 1917, Duval prend la décision d'envoyer les chasseurs Nieuport 24-27 au rebus, ce qui est fait au début de 1918 sur le front français. Il ne reste guère que l'escadrille de Venise et les gars du front d'orient pour se battre sur Nieuport 24-27 en 1918, avec peut-être quelques escadrilles de défense locale du genre Lyon, Besançon ou Belfort (les escadrilles du CRP sont toutes sur SPAD !). Nieuport est restée dans la course pour les chasseurs et a pris sa revanche avec la génération des moteurs 300 ch, où elle s'impose avec son Nieuport 29 face au modèle produit par SPAD.
- La question du désentoilage en vol n'était pas réservée qu'au Nieuport 28, les SPAD l'ont connue aussi du moins avec leurs premiers modèles.

Quelles que puissent être les qualités de vol de l'appareil, un chasseur avec un moteur rotatif était à cette période de l'histoire un appareil qui manquait de puissance. Les rototo Clerget et Gnome et Rhone plafonnaient à 110-130 ch, le Gnome monosoupape du Nieuport 28 est un mieux certain, mais qui ne développe que 150 ch et qui est toujours distancé quand il sort par les Hispano en ligne qui développent 220 ch et même plus.
A la toute fin de la guerre, l'industrie britannique sort un rototo survitaminé et assez fiable, le Bentley BR 2 qui développe 230 ch et qui va équiper le Sopwith Snipe, un chasseur qui n'entre en opération qu'en petit nombre au mois d'octobre 1918. On égale ainsi la puissance des Hispano ! Mais à ce même moment arrive la génération des moteurs en ligne de 300 ch (SPAD XVII, Nieuport 29, Sopwith Doplhin 300 hp...) Le moteur rotatif sera abandonné par l'industrie aéro au début des années 1920.

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