jeanba a écrit :Non, c'est dû au manque d'entrainement des pilotes anglais (25 h contre 80-100 h en France), à la mauvaise qualité du matériel essentiellement.
En gros, Trenchard était un boucher
C'est souvent l’aviation française qui est venue au secours de l'aviation britannique, notamment en avril et septembre 1917 et en début 1918
25h, et encore... Jusqu'à 5 heures dont aucune sur leur avion d'armes, aux pires moments de 1917.
L'aviation anglaise est à la traine durant toute la première guerre mondiale. Plusieurs causes :
1 - Retard industriel britannique. Malgré que la Grande Bretagne soit la première puissance économique mondiale, la production industrielle aéronautique, du fait d'un manque d'intérêt des pouvoirs publics ou du moins un intérêt bien moindre que celui montré par les pouvoirs publics français, est toujours restée à la traine. Elle n'égalera en quantité la production française qu'en 1917, et la dépassera en 1918... Mais elle ne produit pas assez de moteurs et nombre de cellules d'avions vont rester stockées faute de moteurs ! L'aéronautique britannique va rester toute la guerre durant dépendante des importations de moteurs français et va en produire sous licences. Ces copies ne seront pas toutes, et loin s'en faut, d'excellente qualité (Wolseley Viper copie de l'Hispano français par exemple). Cela n'empêche pas l'industrie britannique de produire ponctuellement d'excellents modèles, mais en petite quantité. En France, on a fait les deux meilleurs avions qui soient, motorisés par des moteurs du feu de dieu : le SPAD (Hispano 220 ch) et le Breguet 14 (Renault 300 ch), et notre industrie a été rationalisée pour les produire en masse, si bien que toute la chasse et le bombardement en étaient équipés au début de 1918, alors que se joue le destin de la guerre. Les anglais, eux, ont 5 chasseurs différents, dont seulement 2 sont corrects (SE5a et Sopwith Dolphin, qui n'équipent que moins de la moitié des unités), et un bombardier équivalent au Breguet 14, le DH4 mais qui n'a pas assez de moteurs dispo pour équiper toutes les escadrilles qui doivent se contenter d'un dérivé mal motorisé (DH9 et DH9a).
2- Faiblesse de l'entrainement. La guerre des écoles a été gagnée par la France qui bénéficie de l'immense enthousiasme de la nation avant-guerre pour les choses de l'air. Cela fait qu'il y a plein de volontaires, et d'écoles pour les instruire issus des écoles privées des constructeurs. Les pouvoirs publics ont de plus fait les choses comme il faut pour toujours instruire bien plus de pilotes qu'il n'y avait de places. Résultat plusieurs poireautent plusieurs mois au Groupement des Divisions d'Entrainement avant qu'une place en escadrille ne se libère... Durant lesquels ils continuent de s'entraîner, si bien que certains d'entre eux arrivent avec une centaine d'heures de vols sur leur carnet de vol avant d'affronter l'ennemi.
Chez les britanniques, il n'y a moins de telles infrastructures. De plus, les pouvoirs publics n'ont pas pris la mesure du problème... Si bien que les pilotes britanniques arrivent avec 20-25 heures de vol. Et, en raison de lourdes pertes subies, vont entrer dans le cercle vicieux du raccourcissement des heures de formation. Vous imaginez la suite...
3- Mettez des débutants aux commandes d'avions merdiques et vous avez déjà une idée de comment cela c'est passé. Mais il faut y rajouter encore l'action du commandement (le général Hugh Trenchard) qui ordonnait des attaques à outrance : les chasseurs allemands s'y sont donné à coeur-joie. Le tableau de chasse de Manfred von Richthofen est composé à 100 % d'appareils anglais ! Mais Trenchard n'était pas le boucher en chef, qui était le maréchal Haig. Trenchard savait pertinemment l'infériorité de ses hommes. Mais il a obéi aux ordres pour donner à l'armée britannique la couverture aérienne dont elle avait besoin. Le sacrifice de quelques milliers d'aviateurs ne pèse pas beaucoup face aux centaines de milliers de soldats britanniques promis à une mort certaine dans les Flandres.
4- Il est vrai que le centre de gravité du front s'est déplacé du côté britannique dans le 2e semestre 1917. Mais l'aviation française y était aussi... En 1918, c'est le secteur français qui se prend le gros des attaques allemandes et l'aviation britannique n'y a que peu été.
Voici d'ailleurs le tableau des pertes en pilotes sur l'ensemble du front en 1918. On n'a pas pu le placer dans le Batailles Aériennes, cela ne rentrait plus...
http://www.checksix-forums.com/download ... w&id=40274
Sources :
- Livre Grub Street sur les pertes allemandes 1914-1920. Christophe Cony a ajouté aux pertes recensées dans ce livres les aviateurs allemands capturés, qui n'y apparaissent pas.
- Divers documents SHD pour les pertes françaises, et livre Bailey-Cony
- Livre de Trevor Henshaw (Sky their battlefield) sur les pertes britanniques. C'est ultra-précis.
Comparer les pertes en pilotes est le seul critère objectif, car comparer les victoires revendiquées serait sans intérêt étant donné le caractère fantaisiste du système britannique, extrêmement laxiste, qui est surtout là pour maintenir le moral des pilotes.
Les allemands ont perdu 1335 pilotes au combat en 1918, une grosse moitié sur le secteur français (706), et une petite moitié (629) sur le secteur britannique. Cela s'est obtenu au prix de 1679 pilotes tués anglais (rapport de 2.6/1) et 693 français (1/1). Noter aussi les pertes américaines, très importante par rapport à leur petit nombre - la plupart des pilotes sans expérience qui l'ont chèrement payée.
Bonne lecture à tous. Je reviendrai dans ces colonnes apporter d'autres précisions !
DM