Article OPEX 360, avec le titre : Pékin mobilise ses attachés de défense à l’étranger pour tirer profit des attaques informationnelles visant le Rafale
Lors de l’opération Sindoor, menée par l’Inde pour détruire des positions tenues par des organisations terroristes au Pakistan, Islamabad a dit avoir abattu six avions de combat indiens, dont trois Rafale, grâce à ses Chengdu J-10 armés de missiles air-air à longue portée PL-15, fournis par la Chine. Et cela, sans apporter de preuves… Reste que le chasseur-bombardier de Dassault Aviation a ensuite été la cible d’une attaque informationnelle massive.
Cela étant, l’état-major pakistanais n’a pas forcément cherché à remettre en cause les qualités du Rafale étant donné que plusieurs pays « amis » du Pakistan ont choisi cet appareil pour moderniser leurs forces aériennes. Son intention était surtout de laisser entendre que les pilotes indiens n’étaient pas au meilleur niveau… contrairement aux siens. « C’est un avion très puissant, à condition qu’il soit bien utilisé », a en effet affirmé le général Aurangzeb Ahmed, le porte-parole de la force aérienne pakistanaise.
De son côté, l’Indian Air Force [IAF] a officieusement admis qu’elle avait perdu trois avions de combat. Dont très probablement un Rafale. Mais il n’en reste pas moins qu’elle a atteint les objectifs qui lui avaient été fixés lors de l’opération Sindoor. « Au-delà des pertes, l’opération indienne doit être évaluée à l’aune de son ampleur et de sa complexité […] Le simple fait que l’IAF ait pu frapper des cibles malgré la défense aérienne pakistanaise et mener des attaques ultérieures démontre sa capacité à mener des opérations coercitives de précision », a ainsi résumé le Royal United Services Institute [RUSI], dans une note publiée le 21 mai.
Pour autant, via des milliers de comptes sur les réseaux sociaux, des images créées par l’intelligence artificielle et des séquences tirées de jeux vidéos, la campagne de dénigrement du Rafale s’est poursuivie par la suite… et elle continue encore, avec, comme on pouvait s’en douter, la Chine à la manœuvre.
Selon l’Associated Press, qui cite un service de renseignement français [que l’agence n’a pas précisé], les attachés de défense des ambassades chinoises ont été mobilisés pour exploiter ces attaques informationnelles contre le Rafale, notamment pour tenter de convaincre les pays ayant déjà commandé cet avion, comme l’Indonésie, de ne pas en acheter davantage, et encourager d’autres acheteurs potentiels à choisir des appareils de conception chinoise.
Évidemment, Pékin a opposé un démenti aux informations de l’Associated Press. « Ces allégations sont de pures rumeurs infondées et des calomnies. La Chine a toujours adopté une approche prudente et responsable en matière d’exportations militaires, jouant un rôle constructif dans la paix et la stabilité régionales et mondiales », a fait valoir le ministère chinois de la Défense.
Après avoir fait le dos rond, les autorités françaises ont fini par répondre à ces attaques informationnelles. « Le Rafale n’a pas été ciblé au hasard. Il s’agit d’un avion de chasse particulièrement performant, vendu à l’export et engagé dans un théâtre à forte visibilité. Dans ce type de configuration, l’appareil devient autant un vecteur militaire qu’un symbole politique ou économique. À ce titre, la campagne de désinformation observée s’est appuyée sur des réseaux favorables à des compétiteurs industriels du Rafale. Un certain nombre d’écosystèmes informationnels étrangers ont ainsi relayé des narratifs visant à promouvoir la supériorité d’équipements alternatifs, notamment de conception chinoise », a ainsi réagi le ministère des Armées.
Plus largement, ce dernier estime que le Rafale n’est pas le seul visé : cette campagne de dénigrement cherche aussi à saper « l’image nationale d’autonomie stratégique, de fiabilité industrielle et de solidité des partenariats ». Au Sénat, le 1er juillet, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a remis les pendules à l’heure. « On a entendu beaucoup d’idioties à propos du Rafale dans les opérations militaires qui ont opposé l’Inde et le Pakistan. Le vrai retour d’expérience que nous avons d’État à État et d’armée de l’air à armée de l’air, c’est la demande de pouvoir reconstituer très vite des stocks de munitions, notamment de missiles complexes, c’est un enjeu décisif pour certains industriels », a-t-il dit.
Puis, à l’occasion de son déplacement à Toulon pour l’admission au service actif de sous-marin Tourville et l’inauguration du bassin Missiessy n°2, M. Lecornu a enfoncé le clou, dans les pages de Var Matin. Lors de l’affrontement entre l’Inde et le Pakistan, « un seul avion [Rafale] a été abattu et le pilote est sauf. Ça n’a eu aucun impact sur la commercialisation de l’avion. Après, ce qui est intéressant, c’est de voir la guerre informationnelle qui a vu le jour autour de la perte de l’appareil. Être capable de vendre des avions de chasse, c’est faire partie de la cour des grands. Et dans la cour des grands, le degré de compétition est d’une brutalité inouïe », a expliqué le ministre.
Et d’ajouter : « Le Rafale qui connaît aujourd’hui un très grand succès à l’export, et qui va continuer d’enregistrer un grand succès à l’export, a été pris pour cible parce qu’il dérange. Après, je note que lorsqu’un avion est abattu en Ukraine, qu’il soit d’origine américaine ou soviétique, personne ne songe à faire des articles pour se poser la question sur la qualité de cet avion. Cela dit beaucoup de choses ».