Article RFI, avec le titre : Syrie: ce que disent les images du retrait russe de la base de Hmeimim
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Ce dimanche 15 décembre, une partie du personnel diplomatique russe à Damas a été rapatriée depuis la Syrie vers la Russie, a annoncé la diplomatie du Kremlin. Ces diplomates sont partis depuis la base de Hmeimim dans le nord-ouest du pays, précise sur Telegram le département des situations de crise du ministère russe des Affaires étrangères. La base est donc encore active. Elle accueille des avions gros porteurs, qui multiplient les rotations depuis quelques jours. Ce week-end, des avions-cargos IL-76 et des An-124 russes ont été filmés à l’atterrissage et au décollage à Hmeimim. Ils embarquent hommes et matériels. Le vol, le 16 décembre, d’un Iliouchine-62 opérant régulièrement pour le compte du ministère russe des situations d’urgence et s’étant posé à Moscou quelques heures plus tard, laisse supposer qu’il s’agissait de l’appareil transportant les fonctionnaires de l’ambassade de Russie.
D’une manière générale, depuis la semaine dernière, on aperçoit beaucoup « d'avions blancs » sur le tarmac de la base, des avions de transport, mais aussi des appareils de passagers, voire des avions d’affaires. Généralement, on peut compter ces avions sur les doigts d’une main. À ce stade, les images ne montrent pas de signes de panique sur l’aéroport (...). Il faut souligner que la Russie retire avant tout son propre personnel militaire et ne procède pas à des évacuations massives de civils comme on a pu le voir ailleurs.
Cela étant, les rebelles syriens mettent visiblement les forces russes sous pression. L’aérogare civile, qui jouxte la base, a été pillée dès la chute de Bashar el-Assad. Contrairement à ce qu'il s’est passé sur les bases aériennes syriennes, les rebelles n’ont pas pénétré dans les enceintes militaires russes, toujours placées sous bonne garde. Cependant, ils tiennent les principaux axes autour de la base et ont monté des points de contrôle (...).
En longeant la base, notre journaliste a repéré un ballon blanc dans le ciel. Nous avons pu géolocaliser cet aérostat. Il flotte juste au-dessus de la base aérienne. Sans forcément parler de nervosité, c’est le signe d’une certaine prudence des forces russes désormais entourées de rebelles. En effet, ces ballons, très largement employés par l’Otan pour protéger ses bases en Afghanistan, sont généralement équipés de caméras, afin de surveiller depuis le ciel les abords de la base. Les Russes savent qu’à l’extérieur du site, ils peuvent trouver une population peu favorable aux anciens alliés de Bachar el-Assad, voire franchement hostile à leur égard. À ce jour, aucune manifestation de civils n’a eu lieu devant la base pour protester contre la présence russe. Rappelons que l’aviation russe a participé à la répression brutale des rebelles, notamment en menant des frappes aériennes dévastatrices.
Ce dimanche 15 décembre au matin, une image a fait le tour des réseaux sociaux. Celle d’un cargo décollant de Hmeimim et d’un hélicoptère d’attaque russe Ka-52 volant au-dessus de la base au même moment. Une manœuvre, qui selon les experts, ressemble à un vol de reconnaissance, destiné à s’assurer de l’absence de menaces au moment où l’Iliouchine s’apprêtait à quitter le sol. Une vidéo laisse en effet apparaître un canon anti-aérien stationné aux abords de l’aéroport. À Damas, d’autres reportages ont documenté la circulation de missile sol-air portables (ManPads) tombés aux mains des rebelles.
Pour autant, les vidéos des avions à l’atterrissage, comme celles que diffuse le compte du spécialiste de France 24, Wassim Nasr, montrent des appareils effectuant des approches très classiques, sans employer de leurres thermiques. Ces fusées lumineuses, lancées en salves, sont précisément destinées à déjouer les missiles sol-air qui se guident sur la chaleur des réacteurs. Pour le moment, nous n’avons retrouvé aucune trace visible de leur utilisation à Hmeimim.
Ce lundi 17 décembre, le Kremlin a indiqué que l'avenir de ses bases militaires en Syrie n'était pas tranché. « Il n'y a pas de décision définitive à ce sujet, nous sommes en contact avec les représentants des forces qui contrôlent actuellement la situation dans le pays », a déclaré à l’AFP, Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, lors d'un point-presse. Les Russes ont-ils négocié un calendrier, pour se retirer en bon ordre, ou cherchent-ils à gagner du temps pour se maintenir sur place ? Les images ne le disent pas. D’un côté, les nouveaux maîtres de Damas n’entravent pas l’activité logistique des Russes au sol, et de l’autre, l’armée de l’air russe semble encore pouvoir opérer librement dans le ciel syrien. (...). À l’image, un chasseur russe Su-35 se pose sur la base aérienne de Hmeimim, avec son plein chargement de missiles de défense aérienne. Nous avons pu identifier l’armement. Il s’agit essentiellement de missiles air-air de moyenne portée.
À en croire, la vidéo tournée par un drone pour le compte d’une télévision syrienne soutenue par la Turquie, les Russes disposaient encore, la semaine dernière, d’un véritable arsenal aérien à Hmeimim. À l'abri des satellites, dans des hangars neufs, on remarque une quinzaine de chasseurs bombardiers, dont certains très modernes, identiques à ceux employés par Moscou contre l’Ukraine. On peut également observer des hélicoptères et des missiles S-300 transportables par avions-cargos. (Une) vidéo, publiée par Syria TV, met aussi en évidence les pillages commis dans la partie civile de l’aéroport de Hmeimim. Sur le parking, de nombreuses voitures semblent avoir été fouillées ou laissées à l’abandon, dans la panique. Cet élément permet de confirmer que ces images sont récentes.
Plus surprenant, un IL-76 bleu et blanc, aux couleurs syriennes, est stationné dans un coin du tarmac. Ce modèle est identique à celui qui a mystérieusement disparu des écrans radars le 8 décembre dans la région d’Homs.