Documentaire : Main basse sur les savants d'Hitler, le plan secret français

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Deltafan
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Documentaire : Main basse sur les savants d'Hitler, le plan secret français

#1

Message par Deltafan »

Je viens de voir ce documentaire sur la chaîne parlementaire. Sa vidéo est présente sur Youtube depuis un an :



J'espère qu'il y a un moyen de récupérer le débat qui a suivi sur la chaîne (apparemment il sera disponible pour 15 jours dans les prochains jours). Il y a notamment un passage qui m'interpelle.

Sinon, je trouve le documentaire très intéressant. Je ne connaissais qu'une partie de l'histoire.
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Deltafan
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Re: Documentaire : Main basse sur les savants d'Hitler, le plan secret français

#2

Message par Deltafan »

Bon, j'ai trouvé le débat qui a suivi le documentaire, réalisé par Bénédicte Delfaut.



Lors du débat, outre l'animateur et Bénédicte Delfaut, les deux autres intervenants sont Robert Frank, historien spécialiste de l'Europe et des relations internationales et un certain Michel Tedoldi, réalisateur d'enquêtes sur des faits de société pour France Télévisions et Arte. Il a également collaboré à Charlie Hebdo." Il était sur le plateau parce qu'il avait écrit le livre suivant, sur le même sujet que le documentaire :

https://www.albin-michel.fr/un-pacte-av ... 2226480392

Alors ce qui m'interpelle :
A 19', l'animateur pose la question : "votre point de vue sur l'apport de ces fameux savants hitlériens sur les avancées technologiques connues par la France dans les années 50-60 ? Cela nous a permis de prendre tant d'avance que cela ?

-Tedoldi : "oui, dans certains domaines"

-L'animateur : "et quels domaines ?"

-Tedoldi : "le domaine de l'aéronautique, le domaine du spatial. Le domaine du spatial ça a mis plus de temps. Mais le domaine de l'aéronautique, l'histoire de Dassault. Personne ne parle de Dassault, mais Dassault..."

-Frank : "il y a pas mal de livres sur Dassault, sur la façon dont il a recruté des ingénieurs allemands."

-Tedoldi : "Non, il n'y a pas pas mal de livres. Moi j'ai travaillé là-dessus, j'ai eu beaucoup de mal à avoir des informations sur Dassault. Il y a un grand vide sur cette période. Dassault a raconté sa propre légende, mais sa propre légende n'a aucun rapport avec la vérité, avec ce qui s'est passé. A la Libération, Dassault sort de camp, et c'est une tête de gondole pour le gouvernement, donc on lui donne de l'argent, il produit des fers à repasser. C'est à dire il produit une série d'avions qui ne marchent pas. Il réussit à récupérer des plans allemands, qui ont été récupérés pendant l'occupation, d'ailes en flèche, de systèmes comme ça. Ca c'est la première chose. Donc, il commence à fabriquer des avions qui marchent un peu mieux. Et là-dessus, il se met... Alors je ne sais pas très bien comment, mais en tout cas, il y a une collaboration entre lui et Oestrich (Hermann Oestrich, concepteur du BMW 003 des He-162 et Ar-234, puis de l'ATAR 101). Oestrich a motorisé jusqu'au Mirage tous les avions de Dassault. (...)."

-L'animateur : "donc Dassault doit beaucoup à Oestrich ?"

-Tedoldi : "Mais il doit tout à Oestrich."

-Bénédicte Delfaut : "Je ne suis pas du tout d'accord là-dessus, parce qu'en fait ce n'est pas Dassault qui choisi son motoriste. C'est l'Etat français qui lui impose le motoriste. Il a déjà des avions qui fonctionnent parfaitement, je ne suis pas du tout d'accord avec l'expression fer à repasser.

-Tedoldi : "c'est pas vrai, c'est un mensonge ça".

-Bénédicte Delfaut : "ses premiers avions, ce sont des moteurs à réaction anglais qui fonctionnent parfaitement, mais qui coûtent cher. Donc, au bout d'un moment, l'Etat français lui demande de basculer sur les moteurs à réaction fabriqués en France."

-Frank : "à la sortie du camp nazi, il a déjà des contacts avec des techniciens allemands, etc. Donc il est très sensibilisé à l'avance allemande et ça, ça peut expliquer... Il s'appelait Marcel Bloch. Ses avions des années 30, certains étaient bons, d'autres étaient réputés pour être des cercueils volants. Il est nationalisé en 36, il change de nom, il prend le nom du pseudonyme de guerre de son frère et c'est vrai qu'il y a une vraie reconversion et il devient le grand avionneur après la seconde guerre mondiale et cette fois des avions qui réussissent et là, malgré tout, la science et la technique allemandes ont joué effectivement un rôle dans ce progrès."

Bon, alors déjà, l'historien a oublié (de préciser) que Bloch a eu des fonctions dans sa société nationalisée après 36, avant de créer une autre entreprise avant la guerre. Ensuite, sur les Bloch 200 ("cercueils volants"), le problème venait plus du moteur que de l'avion :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bloch_MB.200#Aero_MB.200
Dotés d’un train d’atterrissage fixe générant une forte trainée, les avions de série affichaient des performances décevantes en dépit du changement de moteur. Fragiles, ceux-ci avaient de plus tendance à prendre feu en vol, ce qui entraîna des accidents mortels. Le journal Gringoire qualifia le MB.200 de cercueil volant (Marcel Bloch avait refusé la publicité de cet organe de droite dans son journal...) et l’armée de l’Air suspecta un défaut du système d’alimentation en carburant tandis que Marcel Bloch accusait le motoriste (Gnome & Rhône livrait les moteurs avec hélice alors que Bloch fabriquait des hélices…). Malgré ces problèmes une nouvelle commande de 70 appareils fut notifiée en août 1934 et 108 appareils supplémentaires mis en commande le 18 avril 1935, toujours dans le cadre du Plan I.

S'agissant du financement de Dassault au sortir de la guerre. Pas très bien vu en quoi il était plus financé que les autres (ce que laisse supposer Tedoldi). Surtout vu la quantité d'avions, parfois dépassés ou pas entièrement au point, construits dans l'immédiat après guerre et qui n'étaient pas (ou plus) des Bloch/Dassault (SE.161, NC-900, Arsenal VB-10, Latécoère 631, etc. Et je passe toute la série de prototypes, certes utiles pour l'apprentissage, mais non passés à la série).

En revanche, le MD-315 (dérivé du Bloch 174 d'avant guerre, et qui donc devait peu de choses aux techniciens teutons, si ce n'est son moteur qui était une poursuite de la production après guerre par Renault du moteur allemand Argus As-411, qui n'était pas une révolution technique) avait été trouvé meilleur que les SO.94 et NC.701 et avait été un succès.

Quant à l'Ouragan, il est choisi (lancé sur fonds propres par Dassault) parce que le SO.6020 est un fer à repasser, justement... Pas souvenir qu'Indiens et Israéliens l'aient refusé ou qu'ils l'aient mis à la ferraille dès réception. Sans parler des Salvadoriens qui l'ont utilisé jusqu'en 1985... A même été utilisé 3 ans par la patrouille de France (1954-56).

En quoi le MD-315 et l'Ouragan seraient des fers à repasser ?


Parlons maintenant des réacteurs :

-Ouragan : Nene sous licence Hispano-Suiza.

-Mystère II : Seulement deux ans en service. Lui était un "fer à repasser", effectivement. Mais il avait des ailes en flèche et était équipé avec un "Oestrich" ATAR 101.

-Mystère IV A : Mystère II amélioré, avec flèche plus prononcée. Lui fonctionne bien, mais, zut, il est équipé du RR Tay ou de sa version fabriquée sous licence par Hispano-Suiza. Dans tous les cas, pas un ATAR "Oestrichien".

-A partir du SMB2 : ATAR.

Mais : prototype Mystère IVN avec moteur britannique Avon, prototype Etendard II avec Turbomeca Gabizo français, prototype Etendard VI avec Bristol Siddeley Orpheus britannique et prototype Mirage I avec Armstrong Siddeley Viper construits sous licence par Dassault...

Quant à l'ATAR, il équipe aussi Leduc 022, Baroudeur, Gerfaut, Griffon, Durandal et, en série, le Vautour, donc pas des avions Dassault...


J'en conclus que Delfaut parle de l'Ouragan et peut-être du Mystère IV A (réacteurs anglais et avions qui "fonctionnent parfaitement"), quand Tedoldi fait référence au Mystère II ("Fer à repasser"), en excluant (pourquoi ?) les succès MD-315 et Ouragan, voire Mystère IV A. Et, autre incohérence de Tedoldi, l'échec Mystère II est équipé du réacteur Oestrich (à qui Dassault devrait "tout"), quand les succès Ouragan et Mystère IV A sont bel et bien équipés de réacteurs british (d'origine ou sous licence), ce que dit Delfaut.


Au final, par rapport à l'ATAR, le succès de Dassault paraît plutôt d'avoir, finalement, su l'utiliser mieux que ses concurrents. Il n'y a aucun élément concret indiquant que Dassault ait été privilégié ou avantagé par Oestrich/ATAR, qui était un fournisseur de l'Etat français et pas du seul Dassault (là encore, d'accord avec Delfaut). Ensuite, Dassault restant seul en lice (si on excepte le plus lointain Jaguar) rien d'extraordinaire à ce qu'il soit équipé en ATAR, seul produit national susceptible de propulser la classe d'avion recherchée...

Pour la partie avionneur, je veux bien que les ingénieurs/techniciens allemands aient apporté un plus à Dassault, mais il me faudra du plus précis que le flou apporté par Tedoldi et Frank. Et il faudra expliquer, concrètement et pas avec des affirmations à l'emporte-pièce, pourquoi Dassault, société privée, a/aurait été privilégié par rapport aux sociétés nationalisées, que ce soit financièrement et/ou en "fourniture" d'ingénieurs/techniciens allemands... Parce qu'à ce stade, la seule "légende" sur Dassault que je vois racontée est celle de M. Tedoldi...
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