70 ans, l'heure du bilan : une vie en aviation en Afrique en photos
Publié : sam. juin 28, 2025 8:56 pm
70 ans, l'heure des bilans...
En photos, je vais ici dérouler mes 70 ans d'aviation familiale Africaine. La plupart des photos sont des photos de famille, mais il y a aussi des photos glanées sur le net, surtout sur le site de Pierre Jarrige, que mes parents connaissaient (https://aviation-algerie.com/)
1/ Mon père :
Ca commence avant que je n'apparaisse sous ce ciel d'Afrique :
En 1943, à 18 ans, mon père Aurélien, (qui avait déjà commencé le planeur), suite au débarquement américain en Afrique du Nord, s'engage dans la France Libre, est sélectionné dans le cadre du "programme Arnold" pour suivre la formation de pilote aux USA (École de l'air de la France libre et CFPNA - Centre de Formation du Personnel Navigant en Amérique) où il part à bord d'un Liberty Ship vers les USA : c'est la guerre, la traversée dure jusqu'à 25 jours avec escorte navale, interdiction de fumer à l'extérieur du navire pour éviter d'être repéré par un sous-marin Allemand. Il subit ensuite tous les tests qui le dirigent finalement en tant que cadet pilote de chasse : formation sur PT17, P40, T6 et il terminera sur P47, le chasseur Américain le plus construit, le plus lourd, et le plus polyvalent de la seconde guerre mondiale. Il sera chef d'escadrille à 19 ans.
(Il sera nommé à l'ordre national du mérite beaucoup plus tard, mais il la refusera, en accord avec ses convictions).
Par chance, (sinon je pense que je ne serais pas là), la formation ayant une durée de 2 ans, il la termine en mai 1945, c'est la fin de la guerre.
Rentré à Oran, ville de sa naissance, et de la mienne ainsi que celle de ma mère et de mes soeurs, (mon frère naitra plus tard en 1963, et il est aujourd'hui sur Airbus. Moi la ligne ça ne m'a jamais tenté, trop routinier), il y rencontre ma mère, d'une famille juive d'origine par son père (qui se marie avec ma grand-mère Parisienne, couturière, qu'il a rencontré à Paris quand il y fait les Beaux-Arts). Les Juifs d'Algérie avait été naturalisés Français par le décret Crémieux en 1870, (mais pas les Musulmans d'Algérie) jusqu'en 1940 ou Pétain annule cette naturalisation. Mon grand-père qui était architecte et avait son agence n'aura plus le droit de travailler, et ma mère, sa soeur et ses frères n'auront plus le droit d'aller à l'école ou au lycée. Il faudra qu'un curé les baptise pour qu'ils puissent reprendre des études.
A son retour des USA, mon père reste réserviste dans l'armée française, sur P47, MS Vanneau et T6, mais c'est la guerre d'Algérie. Lors d'un vol on lui ordonne de mitrailler un vieux fellah sur son âne, il tire à côté et se retire de l'armée.
Il devient alors chef du centre de vol à voile de Canastel près d'Oran, où j'apparais, après ma soeur qui sera suivi par une autre soeur et un frère. Nous vivons sur l'aérodrome en pleine campagne avec toute l'activité de l'époque sur les terrains d'aviation : c'est l'époque de l'Aviation Populaire, fortement encouragée par l'Etat.
En 1958, en pleine sale guerre d'Algérie, mes parents soutiennent l'indépendance. Pour cela ils sont inquiétés et menacés de mort par l'OAS. Ils veulent rentrer un soir dans leur appartement, mais les parachutistes français sont là. Le soir même le FLN Algérien les extirpent des menaces en nous envoyant tous à Rabat en train, abandonnant le peu d'affaires qu'ils avaient à l'époque. A Rabat une personne nous accueille, nous dépose dans un appartement vide, revient avec des matelas et des affaires de cuisine, et trouve du travail à mon père pour le traitement agricole (épandage) et traitement des sauterelles (lutte anti acridienne).
Nous habiterons ensuite à Fès, Ifrane, Casablanca et Rabat, toujours sur les petits terrains d'aviation, ou mon père devenait Chef des centres de vol à voile. Puis Agadir au 5eme étage d'un immeuble où, par chance lors du tremblement de terre, mon père est absent ayant été appelé pour un vol. Ma mère, effrayé à juste titre par les prémisses du seisme nous a descendu dans la rue en pyjama, habillés dans la rue, et on a pris le car pour Casa. C'était un samedi soir, et la ville s'écroulait derrière nous.
Une enfance dans les planeurs C800 accroupi derrière, dans les Stampes en accro, jouant dans les vieux avions abandonnés dans les hangars. Jusqu'en 1963 où nous retournerons en Algérie, après une rapide tentative d'installation en France à St Dizier, encore en habitant sur l'aérodrome. Mais le climat ne les enthousiasme pas vraiment, et nous retournons en Algérie.
Tout le reste de la famille, aussi bien du côté de mon père que celui de ma mère s'est installé en France, nous sommes les seuls à y rester après l'indépendance.
En Algérie mon père tente de relancer l'aviation générale, nous vivons toujours sur les aérodromes, et toujours dans les avions : Dragon Rapide, Jodel, Stampe, Morane 315, Tiger Moth, Nord Ecrin, etc. Ça n'intéresse pas trop les Algériens : le pouvoir en Algérie commence à être tenu par les militaires, et ils voient l'aviation comme exclusivement militaire ou monopole d'état. L'aviation générale ne prend donc pas.
Mon père devient alors pilote du président Ben Bella, sur Beech 18 modifié avec roulette de nez, jusqu'au coup d'état de Boumedienne.
Il pilote alors ensuite un Beech Baron que nous ramenons neuf depuis Le Bourget à Alger en famille, et vole alors pour une société de construction routière, la SACERAL. Nous habitons alors dans un immeuble dans le sable à Béchar (Colomb Bechar à l'époque), pas très longtemps.
Nous habitons ensuite à Alger Blanche (Dar El Beîda aujourd'hui), juste à côté de l'aéroport d'Alger, mais mon père est basé à 350 Km à Bejaia (Bougie à l'époque) pour Afric Air qui fait du transport à la demande vers les sites pétroliers dans le Sud. Je l'y accompagne souvent. Nous le rejoignons tous les Week Ends en voiture VW Variant, ma mère aimant conduire, de nuit sur les petites routes de l'époque, avec des matelas où nous enfants nous dormons à l'arrière pendant le long trajet : nous partons tous les jeudis en fin d'après-midi pour revenir le lundi. Inutile de préciser que j'ai redoublé mon CM2 cette année là, et également la 6eme l'année suivante.
Bougie, un aéroport abandonné sur lequel est basé l'Aztec que mon père pilote, habitant la caravane garée dans un hangar, qu'il avait construite de ses mains lorsque nous étions à Fès au Maroc.
Enfants nous étions totalement libres sur cet aérodrome, campant à moitié, tour de contrôle envahie par les oiseaux, et tirés sur la piste goudronnée sur un chariot à bagages par notre chienne essayant d'attraper le morceau d'os qu'on accrochait au bout d'un bâton. De très bons souvenirs. Ce sont les premières fois que mon père me passait les commandes en me mettant à gauche, me montrant comment on coupait et redémarrait un moteur en vol quand je rentrais avec lui sur Alger ou que nous partions dans le Sud sur des pistes aménagées et recouvertes par ces structures métalliques trouées des pistes de la seconde guerre mondiale.
Ca a duré un temps, mais devant les difficultés mon père a candidaté à Air Algérie, où il finira sur Convair, DC4, Caravelle et finalement sur Boeing 727.
Nous partons nous installer ma mère et nous enfants dans un immeuble à Marseille pendant 6 mois, mon père restant à Alger où il est basé, mais ma mère ne s'y fait pas, et nous y retournons. C'était nettement moins intéressant, la vie était devenue un peu plus fade avec la ligne. Nous habitions dans un immeuble dans le centre d'Alger, après quelques péripéties dans diverses habitations (dont une grande villa au bord de la mer à Alger Plage, que les militaires réquisitionneront brutalement avec armes, en déposant toutes nos affaires dans la rue). Il a fallu partir évidemment. Dans cette maison il fallait, de retour du lycée en 6eme que je parte avec mon père qui adorait la pêche, le soir sur une petite barque, souvent dans le froid, et je déteste la pêche.
Mon grand père paternel, d'origine Espagnole et ne parlant pas Français était pêcheur à la voile, et ma grand mère qui ne parlait pas Français non plus employée dans une manufacture d'allumettes à Oran.
30 déménagements en 20 ans.
La formation sur planeur avant guerre :
Il n'existait pas de double commandes, donc la formation était toute théorique. Un planeur prototype était posé sur une poutre face au vent, le pilote s'entrainait à garder les ailes horizontales. Puis venait le premier lâcher, vol à quelques mètres du sol et posé droit devant. La difficulté venait ensuite pour le premier virage, tout théorique, avec quelques casses, quelques blessés ou quelques morts.
En photos, je vais ici dérouler mes 70 ans d'aviation familiale Africaine. La plupart des photos sont des photos de famille, mais il y a aussi des photos glanées sur le net, surtout sur le site de Pierre Jarrige, que mes parents connaissaient (https://aviation-algerie.com/)
1/ Mon père :
Ca commence avant que je n'apparaisse sous ce ciel d'Afrique :
En 1943, à 18 ans, mon père Aurélien, (qui avait déjà commencé le planeur), suite au débarquement américain en Afrique du Nord, s'engage dans la France Libre, est sélectionné dans le cadre du "programme Arnold" pour suivre la formation de pilote aux USA (École de l'air de la France libre et CFPNA - Centre de Formation du Personnel Navigant en Amérique) où il part à bord d'un Liberty Ship vers les USA : c'est la guerre, la traversée dure jusqu'à 25 jours avec escorte navale, interdiction de fumer à l'extérieur du navire pour éviter d'être repéré par un sous-marin Allemand. Il subit ensuite tous les tests qui le dirigent finalement en tant que cadet pilote de chasse : formation sur PT17, P40, T6 et il terminera sur P47, le chasseur Américain le plus construit, le plus lourd, et le plus polyvalent de la seconde guerre mondiale. Il sera chef d'escadrille à 19 ans.
(Il sera nommé à l'ordre national du mérite beaucoup plus tard, mais il la refusera, en accord avec ses convictions).
Par chance, (sinon je pense que je ne serais pas là), la formation ayant une durée de 2 ans, il la termine en mai 1945, c'est la fin de la guerre.
Rentré à Oran, ville de sa naissance, et de la mienne ainsi que celle de ma mère et de mes soeurs, (mon frère naitra plus tard en 1963, et il est aujourd'hui sur Airbus. Moi la ligne ça ne m'a jamais tenté, trop routinier), il y rencontre ma mère, d'une famille juive d'origine par son père (qui se marie avec ma grand-mère Parisienne, couturière, qu'il a rencontré à Paris quand il y fait les Beaux-Arts). Les Juifs d'Algérie avait été naturalisés Français par le décret Crémieux en 1870, (mais pas les Musulmans d'Algérie) jusqu'en 1940 ou Pétain annule cette naturalisation. Mon grand-père qui était architecte et avait son agence n'aura plus le droit de travailler, et ma mère, sa soeur et ses frères n'auront plus le droit d'aller à l'école ou au lycée. Il faudra qu'un curé les baptise pour qu'ils puissent reprendre des études.
A son retour des USA, mon père reste réserviste dans l'armée française, sur P47, MS Vanneau et T6, mais c'est la guerre d'Algérie. Lors d'un vol on lui ordonne de mitrailler un vieux fellah sur son âne, il tire à côté et se retire de l'armée.
Il devient alors chef du centre de vol à voile de Canastel près d'Oran, où j'apparais, après ma soeur qui sera suivi par une autre soeur et un frère. Nous vivons sur l'aérodrome en pleine campagne avec toute l'activité de l'époque sur les terrains d'aviation : c'est l'époque de l'Aviation Populaire, fortement encouragée par l'Etat.
En 1958, en pleine sale guerre d'Algérie, mes parents soutiennent l'indépendance. Pour cela ils sont inquiétés et menacés de mort par l'OAS. Ils veulent rentrer un soir dans leur appartement, mais les parachutistes français sont là. Le soir même le FLN Algérien les extirpent des menaces en nous envoyant tous à Rabat en train, abandonnant le peu d'affaires qu'ils avaient à l'époque. A Rabat une personne nous accueille, nous dépose dans un appartement vide, revient avec des matelas et des affaires de cuisine, et trouve du travail à mon père pour le traitement agricole (épandage) et traitement des sauterelles (lutte anti acridienne).
Nous habiterons ensuite à Fès, Ifrane, Casablanca et Rabat, toujours sur les petits terrains d'aviation, ou mon père devenait Chef des centres de vol à voile. Puis Agadir au 5eme étage d'un immeuble où, par chance lors du tremblement de terre, mon père est absent ayant été appelé pour un vol. Ma mère, effrayé à juste titre par les prémisses du seisme nous a descendu dans la rue en pyjama, habillés dans la rue, et on a pris le car pour Casa. C'était un samedi soir, et la ville s'écroulait derrière nous.
Une enfance dans les planeurs C800 accroupi derrière, dans les Stampes en accro, jouant dans les vieux avions abandonnés dans les hangars. Jusqu'en 1963 où nous retournerons en Algérie, après une rapide tentative d'installation en France à St Dizier, encore en habitant sur l'aérodrome. Mais le climat ne les enthousiasme pas vraiment, et nous retournons en Algérie.
Tout le reste de la famille, aussi bien du côté de mon père que celui de ma mère s'est installé en France, nous sommes les seuls à y rester après l'indépendance.
En Algérie mon père tente de relancer l'aviation générale, nous vivons toujours sur les aérodromes, et toujours dans les avions : Dragon Rapide, Jodel, Stampe, Morane 315, Tiger Moth, Nord Ecrin, etc. Ça n'intéresse pas trop les Algériens : le pouvoir en Algérie commence à être tenu par les militaires, et ils voient l'aviation comme exclusivement militaire ou monopole d'état. L'aviation générale ne prend donc pas.
Mon père devient alors pilote du président Ben Bella, sur Beech 18 modifié avec roulette de nez, jusqu'au coup d'état de Boumedienne.
Il pilote alors ensuite un Beech Baron que nous ramenons neuf depuis Le Bourget à Alger en famille, et vole alors pour une société de construction routière, la SACERAL. Nous habitons alors dans un immeuble dans le sable à Béchar (Colomb Bechar à l'époque), pas très longtemps.
Nous habitons ensuite à Alger Blanche (Dar El Beîda aujourd'hui), juste à côté de l'aéroport d'Alger, mais mon père est basé à 350 Km à Bejaia (Bougie à l'époque) pour Afric Air qui fait du transport à la demande vers les sites pétroliers dans le Sud. Je l'y accompagne souvent. Nous le rejoignons tous les Week Ends en voiture VW Variant, ma mère aimant conduire, de nuit sur les petites routes de l'époque, avec des matelas où nous enfants nous dormons à l'arrière pendant le long trajet : nous partons tous les jeudis en fin d'après-midi pour revenir le lundi. Inutile de préciser que j'ai redoublé mon CM2 cette année là, et également la 6eme l'année suivante.
Bougie, un aéroport abandonné sur lequel est basé l'Aztec que mon père pilote, habitant la caravane garée dans un hangar, qu'il avait construite de ses mains lorsque nous étions à Fès au Maroc.
Enfants nous étions totalement libres sur cet aérodrome, campant à moitié, tour de contrôle envahie par les oiseaux, et tirés sur la piste goudronnée sur un chariot à bagages par notre chienne essayant d'attraper le morceau d'os qu'on accrochait au bout d'un bâton. De très bons souvenirs. Ce sont les premières fois que mon père me passait les commandes en me mettant à gauche, me montrant comment on coupait et redémarrait un moteur en vol quand je rentrais avec lui sur Alger ou que nous partions dans le Sud sur des pistes aménagées et recouvertes par ces structures métalliques trouées des pistes de la seconde guerre mondiale.
Ca a duré un temps, mais devant les difficultés mon père a candidaté à Air Algérie, où il finira sur Convair, DC4, Caravelle et finalement sur Boeing 727.
Nous partons nous installer ma mère et nous enfants dans un immeuble à Marseille pendant 6 mois, mon père restant à Alger où il est basé, mais ma mère ne s'y fait pas, et nous y retournons. C'était nettement moins intéressant, la vie était devenue un peu plus fade avec la ligne. Nous habitions dans un immeuble dans le centre d'Alger, après quelques péripéties dans diverses habitations (dont une grande villa au bord de la mer à Alger Plage, que les militaires réquisitionneront brutalement avec armes, en déposant toutes nos affaires dans la rue). Il a fallu partir évidemment. Dans cette maison il fallait, de retour du lycée en 6eme que je parte avec mon père qui adorait la pêche, le soir sur une petite barque, souvent dans le froid, et je déteste la pêche.
Mon grand père paternel, d'origine Espagnole et ne parlant pas Français était pêcheur à la voile, et ma grand mère qui ne parlait pas Français non plus employée dans une manufacture d'allumettes à Oran.
30 déménagements en 20 ans.
La formation sur planeur avant guerre :
Il n'existait pas de double commandes, donc la formation était toute théorique. Un planeur prototype était posé sur une poutre face au vent, le pilote s'entrainait à garder les ailes horizontales. Puis venait le premier lâcher, vol à quelques mètres du sol et posé droit devant. La difficulté venait ensuite pour le premier virage, tout théorique, avec quelques casses, quelques blessés ou quelques morts.